Ugo, je suis désolée. Ça fait des semaines que je n’ai rien écrit. Tu es presque comme mon ami maintenant. Mais je ne pouvais pas. Tu sais, tout début novembre, c’était la fête des morts. Comme tous les ans, on est allés voir maman. J’ai mis son pendentif, celui qu’elle m’a offert. Je vais essayer de te le dessiner.
Là voilà, il est plus beau en vrai mais j’ai fait de mon mieux.
Le jour où elle me l’a accroché au cou, c’est mon seul vrai souvenir de son visage. Ca m’a marqué parce qu’elle pleurait. Elle était accroupie juste devant moi. Elle sentait bon la noix de coco. Après m’avoir parlé, elle m’a serré fort contre elle, tellement fort. Mon visage s’est enfoncé dans son cou, j’en ai presque étouffé. Je sentais son coeur battre et son corps se contracter à chaque sanglot. C’est le dernier câlin qu’elle m’a fait. J’étais si petite. C’était juste avant qu’elle…rejoigne l’Unique. Elle m’a dit cette phrase, gravée dans ma mémoire “Garde ce pendentif, un jour il saura te guider vers moi”.
J’aimerais tellement qu’elle soit là, elle me manque terriblement si tu savais… Enfin parlons d’autre chose, je n’ai pas envie de m’apitoyer sur moi même !
Au cimetière, on a croisé Lucie avec ses parents. C’est pas l’endroit où je préfère voir ma meilleure amie mais c’est quand même notre rendez-vous annuel. Elle vient fleurir la tombe de sa grande sœur, morte à 3 ans. Ses parents, on voit à quel point ça les a meurtris de perdre un enfant. Ça se voit aussi à leur manière de couver Lucie. C’en est même étouffant pour elle, souvent elle me raconte qu’elle a l’impression d’être en sucre et que s’ils pouvaient, ils la mettraient sous cloche.
Moi, je n’aime pas venir ici. Pour rejoindre la tombe, on doit passer par l’allée des caveaux. A chaque fois, les hologrammes se déclenchent. C’est comme une allée de fantômes… Maman, elle n’a pas d’hologramme. Alors systématiquement, je mets mon tau et j’essaye de me remémorer ses traits en priant devant sa tombe. Plus les années passent, plus ils s’effacent, et plus ça me rend triste…
Enfin voilà, c’est passé, il n’y a plus qu’à attendre l’année prochaine. En ce moment, c’est surtout les vacances. Durant tout décembre on a été bien occupés. On a décoré la maison. On fait toujours ça le premier jour de repos du mois. Dans Annecy, ils n’étaient pas en retard non plus, il y avait déjà les illuminations dès novembre. C’est toujours magnifique quand elles se déclenchent en début de soirée. Dans toute la vieille ville, les façades des bâtiments et les trottoirs se couvrent de scènes historiques ou tirées du Nomen. Sur la mairie, on voyait un hologramme géant de deux truites nageant du bas des murs jusqu’au toit, pour éclater comme un feu d’artifice argenté et former le blason de la ville. Incroyable !
Et je ne t’ai pas parlé du marché de Noël avec toutes ses gourmandises délicieuses, et les automates du village qui ont émerveillé les plus petits enfants. Bon c’est vrai moi aussi, mais t’as pas intérêt à le dire à qui que ce soit. En même temps, c’est moi qui devient idiote, à te parler comme une vraie personne.
Le clou du spectacle, c’était quand même hier soir, à l’église. On a passé la messe à chanter à la gloire de l’Unique. Les gens y mettaient une telle ferveur, je suis sûre que maman nous a entendus. C’est marrant, je n’ai aucun souvenir d’elle à l’église. Mais en même temps j’étais sûrement trop jeune.
En rentrant, je ne sais pas comment papa a fait ce miracle, mais ils étaient là, sous le sapin. Les cadeaux ! J’ai reçu tout un équipement de gym neuf. Ah papa m’appelle pour le dîner. Je te raconterai la suite plus tard !